J'ai trouvé
cette chose étonnante, on peut représenter par les nombres
toutes sortes de vérités.
Gottfried Leibniz
Une architecture (du latin architectura, art de construire) est un produit, le produit de l'art de l'architecte qui imagine et parfois fait ensuite réaliser un arrangement (la structure) ordonné de composants.
Fred P. Brooks, un des auteurs du projet Stretch, écrivait en 1962 : «Computer architecture, like other architecture, is the art of determining the needs of a user of a structure and then designing to meet those needs as effectively as possible within economic and technological constraints.» [CAM62]La conception et l'étude des architectures n'est pas une science. Elle n'est pas déductive comme les mathématiques. Elle ne provient pas de l'observation d'une réalité extérieure comme la physique, ou même les sciences économiques ou sociales. Elle n'a pas de loi, sauf empirique, qui lui soit propre.
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Elles ne relèvent pas de l'observation, car il n'y a pas ou très peu de faits naturels de leur type. |
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Le fait qu'un architecte, du grec arcitecton (prononcer arkitecton), le maître constructeur, puisse s'inspirer parfois de structures naturelles ne fait pas de l'architecture une science d'observation. Les relations de l'architecte avec la nature sont surtout faites de contraintes. Il ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe quand, avec n'importe quel matériau. En plus, l'air du temps pour ne pas dire la mode, lui autorise ou lui interdit certains partis.
Une architecture est appréciée par son résultat, visible dès que la conception en est faite et dessinée. Son utilité n'est vraiment appréciée qu'une fois l'objet ou le système est réalisé. Il peut être simulé et ensuite évalué. Les qualités du résultat obtenu tiennent autant aux composants utilisés qu'à leur bon ordonnancement.
C'est pour cela qu'un bâtiment n'est pas réductible séparément aux matériaux employés ni aux règles d'assemblage qui ont été employées, ni à ses plans, ni à ses simulations.
Une fois le produit achevé, on a de lui des perceptions, comme objet ou comme «système» observable, qui changent selon l'échelle d'observation. Allant du global au détail, on observe successivement pour un bâtiment : le bâtiment dans sa totalité, une façade, un mur de briques, une brique, la composition physico-chimique des matériaux, etc. Pour chacun de ces niveaux d'observation ou points de vue, on parle plutôt de structure que d'architecture, terme en général réservé au point de vue global.
En matière informatique et selon l'échelle, on verra de façon similaire, sous la forme d'emboîtements successifs plus ou moins heureux, l'interface externe du logiciel d'application, le logiciel lui-même, le système d'exploitation, une mono ou une multi-machine, une carte, un circuit, des dépôts métalliques, des transistors, des cristaux, des impuretés dopantes dans le cristal.
Cette manière d'envisager les architectes et les architectures est à la fois plus large et finalement plus précise que celle de nombreux informaticiens qui emploient ces deux mots comme les publicitaires usent de «stratégie», les commerciaux de «concept» et les politiques de «mesures», pour des acceptions différentes. À titre d'exemple Amdahl, Blaaw et Brooks écrivaient en 1964 : «L'architecture d'un ordinateur est constituée des attributs du système tel que le voit le programmeur, c'est-à-dire la structure conceptuelle (sic) et le comportement fonctionnel (resic) en tant qu'ils sont distincts des flots de données, de la logique de commande et de l'implantation physique.»
Cete manière de voir est statique en ce que l'objet est chaque fois observé pour lui-même, dans ses constituants et leur arrangement, et non dans son fonctionnement.
Un bâtiment d'habitation est un lieu dans lequel vivent des hommes; il a un agencement intérieur, des fluides y circulent, les cheminements des personnes y sont plus ou moins imposés. Un entrepôt est un lieu où marchandises sont déposées, conservées et d'où elles sont enlevées dans divers conditionnements. Les bâtiments ont ainsi un aspect dynamique créé par les mouvements de leurs contenus, habitants, utilisateurs et objets.
Les ordinateurs ont eux aussi ce caractère dynamique. Des données, données et programmes, y circulent et sont y traitées. Ils ont en plus et en propre par rapport aux autres objets techniques, la capacité de fonctionner à la demande selon un nombre considérable même s'il est fini, de modalités commandées par la programmation. Si l'on voulait poursuivre l'analogie avec les bâtiments, on pourrait les comparer aux modes récents d'agencement à cloisons mobiles.
Ce caractère dynamique apporte à l'informatique une autre notion d'architecture, celle qui est induite par un mode de fonctionnement. En effet, il est possible par programmation et sur le même support matériel, non seulement de faire exécuter des programmes divers mais aussi de construire des modes de fonctionnement nouveaux qui seront parfois appelés architectures dans la mesure où le comportement observable de la machine en sera modifié substantiellement.
Comment alors saisir ces objets, les observer, les décrire, et dire sur eux des choses pertinentes et utiles? L'inventaire et a fortiori, l'examen détaillé de toutes leurs modalités utilisées ou potentielles est impossible.
Nous avons pris le parti de présenter par écrit ces notions comme suit :
La première partie consacrée aux architectures usuelles et au parallélisme fin est en trois temps. Dans le premier temps, on examine à la manière de l'historien l'évolution de notre domaine. On relève l'apparition d'inventions successives, transformées en faits techniques (chapitre 1). Dans le second temps, on appelle à l'aide les principes fondateurs; on constate qu'ils ne sont pas d'une claire utilité (chapitre 2). Dans le troisième temps, on examine de façon quelque peu détaillée les inventions actuellement appliquées, c'est-à-dire l'observable au quotidien (chapitres 3 à 7). On voit (chapitre 8) à quel point il est difficile d'apprécier même simplement ce que l'on voudrait nommer les performances d'une machine. On finit par l'examen de les normes (chapitre 9).
Dans la deuxième partie on examine ce que sont les machines dotées de parallélisme de structures et leur fonctionnement (chapitres 10 à 14).Dans la troisième partie on propose une vision inductive où l'ordinateur est une machine logistique composée de deux machines conjointes (chapitres 15 à 18).
QUEL AVENIR POUR LES ARCHITECTURES ET LES ARCHITECTES ?
L'électronique fournit les composants discrets des calculatrices, machines mathématiques, puis ordinateurs depuis le milieu des années quarante. La part d'autres techniques comme l'optique ou la pneumatique, reste infime. L'électronique fournit des circuits dont le nombre de transistors sur un même support (le degré d'intégration) et les performances en termes de fréquence de fonctionnement, augmentent très régulièrement dans le temps. En quinze années, de 1985 à 2000, l'intégration et la fréquence sont passées dans les processeurs d'Intel de 275 000 transistors et 16 MHz pour le 80386 en 1985 à plus de 40 millions de transistors et 1 GHz pour le Pentium IV en 2000. On trouvera un résumé de ces observations le § 1.12 sous la forme de quelques dates. Des perspectives sont consignées dans les conclusions, asi9997 pour le court terme et asi9998 pour le moyen terme.
Du fait de ces progrès rapides, les travaux d'architecture sont consacrés en premier lieu à concevoir des structures de circuits qui tirent parti au mieux des possibilités de fabrication, et des assemblages de circuits qui tirent parti au mieux des capacités des circuits. Encore eut-il fallu pour un bon usage de ces performances, que les autres composants de l'ordinateur, les disques comme les logiciels de base et d'application suivissent un parcours comparable. Ce n'est pas le cas; trois exemples suffiront à s'en convaincre :
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Elles ne se réduisent pas à du logiciel. |
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Conservatoire national des arts et métiers
Architectures des systèmes informatiques
CHAPITRE 1
Origine et évolutions des architectures
Année 2002-2003