Conservatoire national des arts et métiers
Architectures des systèmes informatiques
CHAPITRE 1
Origine et évolutions des architectures
Année 2002-2003

Suite N°12...

1.10 COMPLÉMENTS SUR L'INFORMATIQUE DANS L'ANCIENNE URSS

L'auteur est grandement redevable à Pierre Ernst, de Carleton au Canada pour ce paragraphe.

En URSS, le matériel informatique n'a jamais eu des performances remarquables mais les travaux en mathématiques et en programmation ont été notables. La première machine électronique identifiée au début des années 50, est le MESM (Malaya electronnaya schetnaya mashina). C'est un calculateur à programme externe. Il parait avoir été fabriqué avec le moins de tubes possibles et avoir été inspiré par les rapports disponibles sur le Mark I et l'ENIAC.

Il n'est pas facile de dire pour les suivants s'il s'agit de calculatrices ou d'ordinateurs.

En 1953, le BESM I a des moyens d'entrée/sortie très rudimentaires. Il utilise des lignes à retard et des tubes de Williams. Ces composants étaient fortement rationnés. Il semble que les constructeurs du BESM I ont utilisé des rebuts de la seule usine soviétique de tubes à vide.

En 1957 est produit M4, le premier ordinateur à transistors, industrialisé en 1963.

En 1960, le BESM II a une mémoire à tores de ferrites.

Le M20 a été mis en service vers 1956 pour les travaux relatifs à l'activité spatiale. Ce fut là un nouveau débouché pour l'informatique (tout comme aux États Unis).

En 1964, apparaissent les Minsk, dont plusieurs modèles sont fabriqués en série. Le Minsk22 a été fabriqué à 2000 exemplaires et utilisé de jusqu'à 1976. En 1969, une première expérience de multitraitement est faite avec un Minsk22 et un Minsk2 connectés.

En 1965, l'Institut de mécanique de précision et technique des ordinateurs de Moscou commence la conception du super ordinateur BESM-6. Il sera mis en production en 1967. La processeur a des mots de 48 bits, est cadencé à 9 MHz, est donné pour 1 Mips. Il contient 192 ko de mémoire à tores, mémoire virtuelle et pipeline. Il sera fabriqué à 350 exemplaires.

Les bandes magnétiques, peu fiables semble-t-il, avaient 16 pistes :
6 pour les données;
2 pour les contrôles de parité;
8 pour répéter les données et les bits de parités.

Les premiers disques apparaissent en 1973.

Le premier compilateur a été conçu par Lyapunov en 1955 pour le langage PP-2. En 1958, après une rencontre USA/URSS, les soviétiques adoptent le langage ALGOL. Le premier compilateur d'Algol 60 a été écrit pour le M20.

Pour ce qui est des machines parallèles, on a les repères suivants :

1960 E. V. Yevreinov de l'Institut de mathématiques de Novossibirsk (IMN) commence un travail sur une machine à couplage fort et grain fin avec une interconnexion programmable.

1966 Le Minsk222 est achevé par E. V. Yevreinov à l'Institut de Mathématiques de Novossibirsk.

1976 La définition du multiprocesseur PS-2000 commence à l'Institut des problèmes de contrôle de Moscou et à l'institut scientifique de recherche sur la commande par ordinateur de Severodonetsk en Ukraine.

1980 Le premier multiprocesseur PS-2000 entre en service. Il contient 64 processeurs à 24 bits sur un bus segmenté, chaque processeur est adressable séparément. La performance est donnée pour 200 Mips. Il en sera fabriqué environ 200 de 1981 à 1989.

Le premier Elbrouz1, à 12 MIPS, est mis en test.

1986 L'Elbrouz2 est achevé. Il contient 10 processeurs pour 125 Mips et 94 Mflops crête. Environ 200 exemplaires seront fabriqués.

Il faut prendre avec précautions les affirmations relatives aux dates et aux performances des machines. Elles sont le résultat de compilations d'articles contemporains des faits et reflètent l'optimisme obligatoire sur les conquêtes du socialisme. L'interrogation des spécialistes n'apporte pas autant de lumières qu'on pourrait l'espérer car le cloisonnement entre instituts était la règle.

Pour la petite histoire, l'auteur a entendu Robert Lattès lui raconter qu'en 1966, visitant un centre de calcul équipé d'un Oural2, et s'intéressant fortement aux compilateurs, il lui avait été avoué après deux jours d'interrogations que la compilation de Fortran était faite à la main. Il vit d'ailleurs la salle ou travaillaient les compilateurs et les compilatrices.

La production actuelle est pour l'essentiel celle de clones, tant de PC que de stations de travail.

Voici un bref résumé de caractéristiques connues des premières machines :
 
Nom Date Nb d'op./s Arithmétique Bits/mot Mémoire Nb de mots Bandes
nb de mots
Nb de tubes
MESM
1951
?
fixe
21
registre
94
/
3800
BESM
1952
8000
flottante
39
tubes
1024
4*30000
4000
M-2
1952
2000
fixe
34
tubes
512
20000
1879
CEM-1
1953
350
fixe
31
LM*
496
/
1700
Strela
1953
2000
fixe
43
tubes
1024
2*100000
8000
Oural
1955
100
fixe
35
RM*
1023
40000
870
M-3
1956
30
fixe
30
RM*
2048
/
805
Gifti
1957
100
fixe
32
registre
1800
/
?
Kiev
1959
10000
fixe
40
ferrite
1024
/
2300
Setun
1959
4500
flottante
18
ferrite
81
/
40
Oural2
1959
5000
flottante
40
ferrite
2048
/
1200
Minsk
1959
2500
fixe
31
ferrite
204
8/
1200
Razdan
1959
5000
flottante
36
ferrite
2048
120000
1200
M-20
1959
20000
flottante
45
ferrite
4096
4*75000
3500

LM : ligne à retard à mercure,
RM : rouleau magnétique, probablement un tambour.

1.11 LES PROGRÈS TECHNIQUES MATÉRIELS, QUELQUES TECHNIQUES ET DES COÛTS

Examinons d'abord ce qui s'est passé sur une longue période.

Nous avons relevé que les inventions architecturales datent pour la plupart des années 1950, un petit nombre a été ajouté pendant les années 1960. Leur diffusion a suivi à des dates assez variables. La relève en matière de progrès a été prise par la microélectronique à partir de 1958 sous l'aspect de trois facteurs qui ont porté la généralisation des inventions architecturales.

Quant à la fiabilité, elle a suivi dans les mêmes proportions et au delà par la réduction du nombre de soudures.

Passons aux tendances actuelles.

Telles que détaillés ci-dessous, elles s'appliquent pour l'instant. Comme toute chose, elles ne pourront pas continuer indéfiniment.

Les circuits intégrés sont toujours une part importante du coût des ordinateurs. Les circuits de mémoire ont toujours à peu près la même surface (de .25 à 1 cm carré) et leur taux de rejet sont d'environ 60% en début de fabrication et finissent à peu près à 0. Le prix initial est très élevé, pour amortir au plus vite les investissements. En fin de vie, le prix du circuit est calé sur son coût de fabrication plus marges, quelques dizaines de francs.

Il existe aujourd'hui une grande variété de mémoires :

On trouvera d'autres développements plus loin ainsi que quelques prévisions et perspectives techniques dans la conclusion asi9997.

1.12 LES DANGERS DE L'IGNORANCE

Beaucoup d'expériences ont été tentées, beaucoup de modes ont été lancées puis abandonnées. La tendance est très forte de ne retenir que 'ce qui a très bien marché', et c'est bien dans ce travers que nous sommes très certainement tombé dans tout cet historique. L'ignorer peut amener à concevoir à nouveau des systèmes mort-nés, non maintenables, etc.

La liste ci-dessous est ouverte :

Ajoutons y les bévues et les gouffres financiers ouverts en France par les décisions gouvernementales de nature dirigiste, on en trouvera quelques détails dans l'annexe asi0010.

Pour ne pas trop battre sa coulpe, nous renvoyons le lecteur à l'annexe asi0007 qui contient quelques bévues nées ailleurs, qui ont été exprimées haut et fort par des scientifiques ou responsable de grand renom.

Il y a toutefois une autre façon de voir et de comprendre le phénomène des échecs.

L'idée provient de la lecture d'un article de Timothy Ferris, «La conquête de Mars à portée de budget», paru dans La Recherche, pp 66 à 74, n°304, 1997, qui lui-même cite Freeman Dyson, faisant l'éloge de l'échec comme facteur de progrés en aéronautique. Il estime qu'environ «100 000 (?) modèles d'avions différents furent essayés pendant les années 1920 à 1930. De nombreux pilotes s'écrasèrent et de nombreuses compagnies aériennes firent faillite. Parmi ces 100 000 types d'avions, une centaine survécurent et formèrent la base de l'aviation moderne. L'évolution de l'avion a suivi un processus comparable au schéma darwinien, dans lequel la majorité des variétés d'avion échouèrent à survivre, exactement comme la grande majorité des espèces animales ont disparu par extinction. Grâce à cette sélection, les quelques modèles d'avions survivants se montrent étonnamment fiables, économiques et sûrs.»

Les mêmes observations peuvent être faites pour la fabrication des verres et des outils métalliques au long de plusieurs millénaires.

Les très (trop) nombreux modèles d'ordinateurs relèvent-ils du même processus ? On peut raisonnablement le croire dans la mesure où nous sommes à peu près dans la même situation que l'aéronautique, une théorie incapable de produire des schémas réalistes, un foisonnement d'inventions et finalement une variété qui fait de nos réalisations des sortes d'observables (cf. asi0002 et asi1800). Les exemples du génie inventif sont nombreux :


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